Sex’prime
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société, genre
Le genre, qu’est-ce que c’est ?
Le genre, expliqué par des sociologues et des personnes transgenres
Nina Osmond Publié le 9 janvier 2024
O
n ne nait pas femme, on le devient” la citation majeure et populaire du Deuxième sexe, de Simone de Beauvoir, questionnait déjà le concept de genre. Dans une interview en 1974, la philosophe et écrivaine affirme qu’”être femme, ce n'est pas une donnée naturelle [...] Il n'y a pas un destin biologique, psychologique, qui définisse la femme en tant que telle. C'est une histoire qui l'a faite”.
Soixante-dix ans après Beauvoir, les concepts de genre, de diversité de genre, de transidentité, d’expression ou d’identité de genre méritent une tentative de clarification. Bien que les analyses varient selon les études sociologiques de genre et des cas personnels, la rédaction va vous éclairer sur la nébuleuse du genre.
Qu’est-ce que le genre ?
Le genre transparaît dans le langage, comme lorsque nous disons “Madame”, “Monsieur”, “il” ou “elle”. Il apparaît également à travers des codes esthétiques ou vestimentaires, la longueur des cheveux, les bijoux, etc. On parle de genre masculin ou féminin.
Dans son exposition “Aux origines du genre”, Le Muséum national d'Histoire naturelle de Paris présente le genre comme “une convention de catégorisation binaire (masculin / féminin) qui met en place une différenciation sociale culturellement apprise, mais calquée sur une différenciation biologique, celle de l’appareil reproducteur mâle et femelle”, bien que genre et sexe soient distincts.
Le terme “genre” a été utilisé pour la première fois en 1955 dans le milieu médical aux États-Unis. Le concept de genre est entré dans le droit français en 2016 par l’expression spécifique d’”identité de genre”.
Qu’est-ce que l’identité de genre ?
L'identité de genre désigne “le sentiment intime, profond et personnel d'appartenir à un groupe social genré” , décrit la philosophe Judith Butler, “en se basant sur les caractéristiques communes de ce groupe” par exemple les femmes ou les hommes. L'identité de genre d'une personne ne correspond pas nécessairement au sexe et au genre qu'on lui a assignés à la naissance. La philosophe précise que “certaines personnes ne s'identifient pas exclusivement au groupe des femmes ou au groupe des hommes”, ce sont les personnes non binaires.
Qu’est-ce que l’expression de genre ?
L'expression de genre désigne l'ensemble des caractéristiques genrées qu'affiche une personne. Cela concerne son apparence et ses comportements : vêtements, style, coiffure, pilosité, démarche, maquillage, posture, voix, façon de s'exprimer, etc. L'expression de genre peut être une combinaison de caractéristiques considérées comme féminines et de caractéristiques considérées comme masculines. Ces caractéristiques dépendent des normes de la société. Lorsque l'expression de genre n'est pas particulièrement féminine ou masculine, on dit qu'elle est androgyne.
Qu’est-ce que la transidentité ?
La transidentité est l’idée d’un cheminement identitaire vers un genre alternatif au genre assigné à la naissance. Historiquement, le terme de “transsexualisme” apparut au milieu du xxe siècle, après le terme “transsexualité”, indique une conception de l’individu fondée sur le sexe, sur une idée naturaliste, où la biologie décide de tout. Karine Espineira, chercheuse en étude de genre à l'Université de Paris VIII, décrit dans son ouvrage Transidentités et Transitude le mot transidentité comme “se référant à la construction de l’identité de genre et non de l’identité sexuelle”. Elle précise que le terme transidentité reflète “un cadre anti-essentialisme et anti-naturalisme et réfute donc l’analogie naissance-assignation. On ne naît pas, on devient, selon la célèbre expression de Simone de Beauvoir”.
Qu’est-ce que la non-binarité ?
La non-binarité c’est ne pas se reconnaître dans les identités de genre traditionnelles de femme ou homme. Les personnes non-binaires peuvent ressentir une identité de genre partiellement masculine et partiellement féminine, complète la philosophe, ou ne pas se reconnaître dans aucune des deux. Certaines personnes non-binaires peuvent également utiliser des pronoms non-binaires comme “iel” ou “ielles”. Fin 2021, le pronom “iel” a fait son entrée dans la version numérique du Petit Robert.
La philosophe Nathalie Depraz dans son essai Beauvoir au prisme de Butler, affirme que “l'humain est un être complexe et nuancé. Plus on explore ses réalités, plus on constate que la binarité des genres est loin d'être universelle”. La philosophe remet en question la binarité du genre, femme et homme pour “mieux comprendre la diversité des expériences humaines”. Pour Nathalie Depraz, la réalité est plus riche lorsqu'on en reçoit toutes les nuances: “Dépasser la binarité, c'est savoir que la palette des couleurs est large et que chaque personne peut opter pour les teintes qui lui conviennent, sans jugement sur celles que les autres choisissent.”
Les définitions, glossaires et lexiques liés aux genres ont été entièrement remaniés à la suite d’évolutions sociétales. Le concept du genre est encore en mouvement, pour être à la page vous n’avez plus qu’à vous tenir informer !
Lyos, 21 ans, qui s’identifie à un trans masculin explique son choix.
“Mon genre fluctue entre le neutre et le masculin, mais jamais dans le féminin. Le genre est une norme sociétale qui change en fonction de la culture. Pour moi mon genre ne se définit pas par moi-même, si c’était le cas je n’aurais juste pas de genre. Mais je choisis un genre pour la façon dont je préfère que les autres me voient, c’est à dire trans masculin. Je ne me sens pas femme, je ne sens pas homme pour autant, mais c'est comme ça que je préfère être perçu.”
Oli, 26 ans, refuse de s’identifier à un genre
“Je suis convaincue que le genre est une construction sociale. C'est une abstraction à laquelle on adhère par choix ou implicitement, et à laquelle on peut aussi se soustraire si les conditions sociales et politiques dans lesquelles on vit le permettent. Le concept de genre me semble être une restriction qui n'a pas d'utilité essentielle. Je pense que les genres conditionnent un système de rôles et de pouvoirs qui est le patriarcat. Mais je respecte les gens qui s’y identifient pour trouver des repères et des références.”
Ariel, 21 ans, trans féminine donne sa vision de ce qu’est une femme
“Je ne sais pas si je suis une femme. Je sais juste que je ne suis pas un homme. Je me considère plutôt comme “trans fem” car je me sens du côté de la féminité. Mon moi idéal a toujours été une femme depuis longtemps et je souhaite être comprise comme une femme. C’est difficile de dire ce que c'est une femme, je dirais que c'est un ensemble d'habitudes et d'habitus c'est-à-dire un comportement des pensées caractérisées comme féminines. Une personnalité caractérisée comme féminine c’est un ensemble de traits, c’est plus qu’une question esthétique extérieure.”
Pour Ariel, le genre est un langage
“Le genre je le vois comme un langage avec un système de référence, dans le langage si je dis ordinateur le mot ordinateur communiqué se réfère à l'objet ordinateur. Pour moi le genre c'est pareils, si on dit femme, il y a une image collective de représentation de ce qu’est une femme qui apparait. Le genre c’est tout un tas d'indices que les gens portent sur eux ou dans leur manière d'être qui flèchent vers un certain genre, vers le monde de la masculinité ou de la féminité. C’est vraiment un système de communication, disons qu’il y a la féminité et la masculinité quelque part et les individus évoluent dans cette matrice par une relation de référence où chaque individu se réfère ou est référé par le regard de l'autre à telle ou telle identité. L’identité c'est personnel, mais c’est aussi une relation à l’autre, à quelque chose d'identique à soit à laquelle on s’identifie.”
Isaac, un homme trans âgé de 39 ans, exprime sa décision.
“Je me suis toujours senti homme, je ne me l’explique pas, je suis simplement mieux en tant qu’homme, avec une apparence physique d’homme dans les vêtements et les comportements. Mon identité de genre est celle d’un homme, mais il peut m’arriver d’avoir une expression de genre différente, si je décide de porter des vêtements féminins occasionnellement mon identité reste toujours masculine.”