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Le magazine pour se ​cul'tiver sur la sexualité

sANTé

« 59% des cas d’abus sexuels sont réalisés par des hommes de la famille »


Dunvel Ramalingum Publié le 23 décem​bre ​2023

V


endredi 17 novembre, la commission ​indépendante sur l’inceste et les violences ​sexuelles faites aux enfants (Ciivise) rendait son​ rapport au gouvernement. Cette commission avait ​pour objectif de mesurer l’ampleur des violences ​sexuelles faites aux enfants et surtout d’agir pour ​mieux aider les victimes, une fois le point fait sur ​la situation actuelle.

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Le rapport rendu est très inquiétant : 160 000 enfants seraient victimes d’abus sexuels en France chaque année. ​L’équivalent d’une personne sur dix. Dans les 82 recommandations du rapport pour protéger les enfants et ​prévenir des violences sexuelles, la commission prévoit notamment la mise en place de deux rendez-vous de ​dépistages et de préventions a l’école primaire et au collège dans le cadre des visites médicales obligatoires. Ces ​visites concerneront aussi les adolescents déscolarisés. Leur objectif : donner à l’enfant l’opportunité de parler à ​un adulte de confiance en dehors du cercle familial.


Michel Roussey, professeur en pédiatrie, fondateur des cellules d’accueil sécurisées pour enfants en danger ​(CASED,) et expert à la Cour d’Appel de Rennes dans les affaires d’abus sur enfants, a répondu à nos questions.








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Brochure « Permis Prudence », pour parler des violences sexuelles aux enfants. Image DR





Qu’est-ce qu’une violence sexuelle sur un enfant ?

« D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on entend par violence sexuelle la participation d’un enfant à ​une activité sexuelle qu’il n’est pas pleinement en mesure de comprendre, à laquelle il ne peut consentir en ​connaissance de cause ou pour laquelle il n’est pas préparé du point de vue de son développement. Ou encore ​une activité sexuelle qui viole les lois ou les tabous sociaux (par exemple l’inceste). Les enfants peuvent être à la ​fois victimes de violence sexuelle exercée par des adultes, ou par d’autres enfants (frères, sœurs, cousins) qui, du ​fait de leur âge ou de leur stade de développement (plus matures physiquement ou mentalement), ont un lien de ​responsabilité, de confiance ou de pouvoir avec la victime. »



Quels sont les différents types d’abus sexuels dont peut être victime un enfant ou un adolescent ?

« Il y a les abus extra-familiaux, avec un abuseur inconnu ou, le plus souvent, proche de la victime et qui lui inspire ​la confiance ou qui incarne une forme d’autorité (prêtre, médecin, enseignant, animateur). D’autre part, il y a les ​abus intra-familiaux, appelés incestes, et qui sont les plus courants ; 59% des cas d’abus sexuels sont réalisés par ​des hommes de la famille : un père, un frère, un oncle, un grand-père. On peut également distinguer trois types ​d’abus selon la gravité de l’acte : abus de la sphère sensorielle, du domaine de l’excitation (manifestations ​d’exhibitionnisme, c’est-à-dire quand un adulte montre son sexe ou demande à ce qu’un enfant lui montre le sien) ​; abus du stade de la stimulation (attouchements sur l’enfant ou sur lui) ; abus du stade de la réalisation (tentative ​de viol ou viol). »



Pourquoi est-ce si difficile de faire parler les victimes mineurs ?

« Parce que contrairement à l’adulte victime d’agression sexuelle, l’enfant, la plupart du temps, n’a pas été ​agressé dans le sens classique du terme. Il a plutôt été amené à consentir doucement, dans un abus continu et ​répété, par un adulte en qui il avait pleine confiance et qui avait autorité sur lui. Par conséquent, il est d’autant ​plus difficile pour ce jeune, contrairement à la victime adulte, d’accuser son agresseur, quand celui-ci se trouve ​devant lui au tribunal. Ceci est d’autant plus vrai que l’enfant est dans une situation où, à répétition, il accuse un ​être qu’il a aimé et que, probablement, il aime encore.


Aussi, l’enfant est confronté à quelque chose qui concerne sa propre sexualité ; c’est son corps sexué, ses émois, ​son excitation qui sont en jeu. Il a alors du mal à parler de ce qui s’est passé sur son corps. Cette autocensure ​pourra être exploitée par la défense de l’abuseur et le fait de devoir raconter des détails gênants, peut pousser ​l’enfant à revenir sur ce qu’il a dit parce qu’il n’a pas envie de devoir raconter cela devant le tribunal. Cette gêne ​vis-à-vis de ce que l’enfant a pu découvrir sur son corps au moment de l’agression peut aussi être un facteur de ​culpabilisation de l’enfant. Il se sent coupable d’avoir ressenti des choses qu’il ne comprend pas sur son corps. ​Ou, dégoûté de ce qu’il a vu, regrette de devoir en parler. Cette culpabilité est à ajouter à celle que son agresseur ​fait ressentir à sa victime lorsqu’il la place comme la personne responsable de l’abus sexuel (C’est toi qui m’as ​poussé à faire ça, tu en avais envie je le voyais…) Ou encore, cette culpabilité correspond au chantage que ​l’agresseur exerce sur sa victime : si tu parles, la famille sera détruite par ta faute. »



Lorsqu’ils parlent, pourquoi certains enfants reviennent sur leur propos? Disent qu’ils ont « tout inventé » ?

« Les causes sont nombreuses, mais, bien souvent, c’est parce que l’enfant a la certitude de ne pas être cru : ​l’obligation de répéter sa déclaration fait croire à l’enfant qu’on ne le croit pas. Avec les pressions familiales, un ​tiers des abus sexuels intra-familiaux aboutissent à une rétractation (la victime revient sur ses propos). L’enfant ne ​ment que rarement concernant l’abus sexuel, du moins dans les cas où le dévoilement est spontané, ce qui ne ​veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas de fausses allégations. Toutefois, celles-ci se situent presque ​exclusivement dans le cadre des requêtes de gardes d’enfants ou de droits de visite. »
















Michel Roussey, professeur en pédiatrie


Comment cela se fait-il que parfois, les enfants oublient, puis une fois adultes, se souviennent de ce qu’on a ​pu leur faire ?

« L’aspect traumatisant de l’abus fait que l’enfant, pour préserver son propre équilibre, tentera graduellement de ​l’oublier, de le refouler. Les études de suivi montrent que, au fur et à mesure que le temps passe, les enfants sont ​de moins en moins capables ou désireux de se remémorer l’événement. L’enfant se « fatigue » à répéter son récit, ​qui devient de plus en plus pauvre en détails ; l’enfant passera alors à la rétractation ou à la négation totale de ​ses allégations.

L’enfant a aussi une perception du temps différente de celle de l’adulte. Elle n’est pas linéaire, ou elle ne suit pas ​un ordre chronologique juste, mais est plutôt organisée autour de points de référence significatifs associés à ​l’événement (vacances, anniversaire, Noël, etc.) L’enfant garde ainsi une bonne mémoire d’un événement unique ​; mais lorsque l’événement se répète, il se souvient des détails, mais ne sait plus à quel moment ils sont survenus. ​Cela peut contribuer dans l’esprit de l’enfant ou du jeune adolescent/adulte, à croire que cela n’est pas arrivé. »



















Note – Le Dr Roussey rappelle que si vous êtes témoins ou victimes d’un abus sexuels sur mineurs, que vous êtes ​mineurs vous-mêmes, ou que vous avez un doute sur une situation, vous pouvez appeler le 119. Il est également ​possible de vous rendre dans les Cased (cellule d’aide et de soutien pour l’enfance et l’adolescence – 0810 043 ​119) situés dans les urgences des hôpitaux ou dans les Uaped (unités d’accueil pour enfants en danger) aussi ​situées dans les urgences.








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